AAC Économies du témoignage Espagne et Amérique latine, 3-5 juin 2025
APPEL A COMMUNICATION
Vous pouvez envoyer votre proposition de communication à colloqueavraidire@gmail.com au plus tard le 10/03/2025
« A vrai dire ». Économies du témoignage dans les mondes hispanique et latino-américain (Moyen Âge – XXIe siècle)
Aix-Marseille Université, Faculté ALLSH, Centre Aixois d’Études Romanes (CAER)
3, 4 et 5 juin 2025, Aix-en-Provence
Si, à l’origine, le témoignage est circonscrit au cadre judiciaire et religieux on observe aujourd’hui une
extension de ses acceptions et de ses formes, ainsi qu’une expansion de ses pratiques. Récits d’une
expérience spirituelle, récits des opprimés et des minorités, des auteurs ou symétriquement, des porteurs
d’une offense, récits, encore, d’une réalité extra-ordinaire (explorateurs, voyageurs) ou d’une intimité
singulière, l’éventail du témoignage est vaste et protéiforme. Il dépasse largement le prétoire et l’Église,
pour s’inscrire, alors, au cœur de la démarche historienne et de nombreuses sciences sociales aux yeux
desquelles il est à la fois source et objet d’étude. Il alimente également les arts, la littérature et les discours
des médias, au point que certains y voient un phénomène de mode développé autour du « marché de la
confession ».
Le témoignage peut être défini dans sa relation avec la croyance, en tant qu’acte persuasif chargé
d’accréditer la vérité, d’en fournir une preuve permettant de doter la croyance d’un régime d’objectivité.
D’ailleurs, l’étymologie du terme, qui lie historiquement la notion de témoignage au champ judiciaire,
l’associe étroitement à celle de vérité. Le radical testis est issu de la forme tristis qui signifiait « qui se tient
en tiers » dans un procès –renvoie au troisième intervenant qui, dans le règlement ancien de la justice,
officiait comme soutien de chacune des partie2. L’acte de témoignage constitue fondamentalement un acte
de langage par sa capacité, son autorisation –le témoignage est un argument d’autorité– à dire où est le vrai,
à objectiver la croyance, avec toutes les conséquences, notamment concrètes, que cette objectivation peut
avoir.
Cet acte persuasif tire son pouvoir d’objectivation de l’expérience que le témoin a eu du fait, de l’événement
révolu. Une expérience du sensible dont il a gardé trace et qu’il prétend transmettre. Témoigner consiste
donc à rendre présente une vérité qui n’est pas ou plus accessible. Le témoin est celui qui porte la trace de
la vérité qu’il énonce puisqu’il entretient un rapport charnel avec cette dernière. Le témoignage serait donc,
par-delà la diversité de ses figurations et des champs auxquels il se rapporte, l’enregistrement de cette trace
laissée sur le corps du témoin –qui a vu, entendu, perçu ou vécu– et que ce dernier transmet en engageant
sa parole par une énonciation à la première personne.
Aujourd’hui, l’essor du genre discursif du témoignage relève de la culture mémorielle qui s’est développée
à l’échelle mondiale, au cours des dernières décennies, au point de devenir omniprésente comme enjeu
éthique et politique dans le débat public, à la suite des différentes vagues de justice transitionnelle, et comme
bien culturel des sociétés de consommation. Aussi, l’Espagne comme nombre de pays latino-américains,
confrontés à la nécessité d’interroger une histoire récente conflictuelle, ont progressivement basculé dans
« l’ère du témoin ».
Entre passé et présent, du Moyen Âge à nos jours, c’est à une analyse diachronique des usages du
témoignage et des sens qu’il revêt dans les sociétés hispanophones que ce colloque sera consacré afin de
percevoir toute l’épaisseur et les évolutions qui caractérisent cette pratique discursive.
Les communications s’inscriront en priorité dans les axes suivants :
1. Le champ épistémologique : le témoignage comme source
La question est d’abord, ici, celle de la validité documentaire scientifique du témoignage. On citera, à titre
d’exemples :
– Les récits de dépositions, élaborés dans un contexte judiciaire (aveux, dénonciations ou simples
dépositions issus d’enquêtes inquisitoriales, de litiges civils, de commissions de la vérité, etc.).
– Les témoignages iconographiques
Par-delà la question de leur validité, l’exploitation des témoignages comme sources documentaires pose
celle de leur valeur, soit de leur offre d’information scientifique.
2. Le champ social des usages du témoignage
On s’attachera, ici, aux nombreux usages sociaux du témoignage : usage politique, usage culturel et usage
moral. Particulièrement :
– La mémoire contre l’Histoire : un usage politique du témoignage
Semblable usage du témoignage mémoriel, parce qu’il se réclame d’une vérité plus authentique que celle
de l’histoire, n’est pas exempt de polémiques. Pourront être étudiés, alors, les rapports de force
qu’entretiennent mémoire et histoire autour de cet objet.
– La fabrique de la tradition : un usage culturel du témoignage
Les usages culturels du témoignage pourront être appréhendés au sein d’une problématique de la
« tradition », conçue alors spécialement comme legs et chaîne de souvenirs ayant autorité à « régler les
affaires du présent ».
– Le devoir de mémoire : un usage moral et psychologique du témoignage
Violences politiques et politiques d’effacement de la violence ont marqué conjointement l’histoire récente
de l’Espagne et de nombreux pays latino-américains, imposant aux survivants un rôle de « passeurs de
mémoire ». Une société ne se définirait-elle pas alors par sa capacité ou son refus de les entendre ?
3. Le champ des pratiques du témoignage
– Histoire et anthropologie du témoignage
Les approches historiques et anthropologiques de la pratique du témoignage s’inscriront dans cet axe
d’étude : dimension sacramentelle de l’attestation, dimension perceptive de la preuve ; contexte juridique
réglant les pratiques, contextes judiciaires ou extra-judiciaires, etc.
– Témoignage, littérature et journalisme : au croisement des écritures de soi et de la non-fiction
Récits de vie, autobiographies, mémoires, romans autobiographiques, ces modalités discursives articulées
autour de la première personne connaissent actuellement un véritable essor dans les pays hispanophones.
Mais si de telles pratiques ont bien reçu le « je » en partage, est-il pour autant légitime de les considérer
toutes comme relevant des formes littéraires du témoignage ? A l’inverse, doit-on limiter le champ aux
seuls récits de vie qui ont vocation à représenter l’existence ou l’expérience d’un groupe déterminé et qui,
de ce fait, vont au-delà de la simple expression de la singularité du moi ?
A son tour, la non-fiction se caractérise par son hybridité générique : de l’enquête journalistique, que fonde
la parole de témoins authentiques, aux romans, dont les témoignages réels ou imaginaires tissent
l’intertextualité, ce corpus brouille les frontières « entre fiction et diction » (Genette) et finit par défier les
sciences sociales en matière de compréhension du réel.
– Pratiques artistiques visuelles du témoignage
Quelle est l’aptitude de l’œuvre artistique à témoigner du réel ? Réside-t-elle paradoxalement dans sa
capacité à subjectiver le réel ? A transcender l’anecdote pour aider le spectateur à éprouver les émotions
qu’il devrait ressentir face au réel. Bref, à guider son horreur ou son émerveillement devant ce dont
témoigne le monde ?
LIEUX DU COLLOQUE, CALENDRIER ET MODALITES DE SOUMISSION
Le colloque se tiendra exclusivement en présentiel à Aix-Marseille Université, à la Faculté des Arts, Lettres,
Langues et Sciences Humaines (ALLSH) d’Aix-en-Pce, les 3, 4 et 5 juin 2025. Les communications, d’une
durée de 20 minutes, seront en français ou en espagnol.
Les propositions devront comporter :
• un titre provisoire
• un résumé d’une dizaine de lignes, en français ou en espagnol
• l’établissement de rattachement et le mail professionnel
• une brève notice bio-bibliographique
Elles seront adressées avant le 10 mars 2025 au comité organisateur à l’adresse suivante :
colloqueavraidire@gmail.com Une réponse sera donnée mi-mars.
Frais d’inscription : 65 euros
Comité organisateur :
Dante Barrientos Tecún (CAER, AMU)
Eve Fourmont (TELEMMe, AMU)
Michel Jonin (CAER, AMU)
Julie Marchio (CAER, AMU)
Sophie-Bérangère Singlard (CAER, AMU)
Comité scientifique :
Luis Fernando Arévalo (CUYNACO, UIS, Bucaramanga, Colombie)
Dante Barrientos Tecún (CAER, AMU)
Eve Fourmont (TELEMMe, AMU)
Valeria Grinberg Pla (Bowling Green State University, Ohio, USA)
Michel Jonin (CAER, AMU)
Emanuela Jossa (Università della Calabria, Italie)
Werner Mackenbach (CIHAC, Universidad de Costa Rica)
Julie Marchio (CAER, AMU)
Ana Cecilia Ojeda (CUYNACO, UIS, Bucaramanga, Colombie)
Sophie-Bérangère Singlard (CAER, AMU)
María Jesús Zamora Calvo (Universidad Autónoma de Madrid)
Partenariats :
Centre Interdisciplinaire d’Étude des Littératures d’Aix-Marseille (CIELAM UR 4235, AMU) ; CUYNACO, Universidad
Industrial de Santander (UIS, Bucaramanga, Colombie) ; TELEMMe (UMR 7303, AMU – CNRS) ; UNAM-Francia (Centro
de Estudios Mexicanos)
Dans ce PDF vous trouverez le texte de l’appel en français et en espagnol:
Appel à communication Colloque Témoignage_Convocatoria Coloquio Testimonio -1