Journée Réécrire : Réagir par l’écriture, 26 mai 2023, 9h30/18h Salle 3.41 Maison de la Recherche

« Réécrire : Réagir par l’écriture »

 

Gérard Genette a démontré comment les modifications apportées à un hypotexte ne concernent pas seulement la forme, mais aussi le fond[1]. Genres privilégiés de la subversion, la parodie et le pastiche seraient par exemple des armes de papier où bien souvent le rire, au-delà du simple divertissement, réforme l’esprit.

L’acte de réécriture n’est donc pas un arrangement commode en vue de faire du neuf avec du vieux à peu de frais, mais il reflète la nécessité d’insister « sur le fait que toujours déjà tout est dit et que pourtant, sans cesse, on peut le dire de nouveau[2] » ; en traduisant, conjointement, la conviction qu’une révolte écrite peut contribuer à faire changer l’ordre physique et apparent des choses[3] ou du moins à créer un mouvement dans les consciences, ne serait-ce que pour faire émerger des aspects jusqu’alors escamotés.

Mais finalement, qu’est-ce que subvertir ? Sur quoi cet acte porte-t-il concrètement ? Comment peut-il se décliner, y compris sur scène ? Quels sont les thèmes et les formes d’écriture qu’engage un tel positionnement ? Que vise-t-on prioritairement à travers le bouleversement ou le renversement des idées, des règles, des normes, des hiérarchies établies : la réaction du lecteur, celle des institutions, la réception sur le long terme ? Et, au-delà de la virulence des propos ou des expérimentations formelles osées, en quelle mesure faudrait-il évaluer la teneur du message contestataire ?

En prenant appui sur ces questions, notre projet s’est donné pour objectif de fédérer des chercheuses et des chercheurs qui souhaitent appréhender la réécriture comme une forme de réappropriation critique, voire subversive, vis-à-vis d’un discours, d’un mode de connaissance, d’une esthétique, d’une image de marque, d’une prétendue vérité, d’un code tyrannique (perçus tour à tour comme irrecevables, inacceptables, aberrants, écœurants, trompeurs, mensongers, fallacieux, obsolètes, inactuels, révolus…) que la tradition, la pensée dominante, les pouvoirs en place ont construits ou qu’ils cherchent à imposer. Car la littérature, outre qu’elle se révèle un des prismes d’élection pour comprendre la réalité ou l’explorer, demeure l’espace privilégié de réaction et même d’insurrection.

 

Gianluca Leoncini CAER                                                     Éva Raynal CIELAM

[1] Gérard Genette, Palimpsestes, la littérature du second degré, Paris, Seuil, 1982.

[2] Jean-Paul Engélibert, Yen-Mai Tran-Gervat, La littérature dépliée. Reprise, répétition, réécriture, Rennes, PUR, 2008, Avant-Propos.

[3] Comme le rappelle George Orwell dans 1984 (London, Penguin Books, 2013, p. 47), les mots sont pouvoir et capables effectivement de réécrire l’histoire : « Who controls the past, run the Party slogan, controls the futur; who controls the present controls the past. […] All history was a palimpsest, scraped clean and reinscribed exactly as often as was necessary. »