Mai 68 et après en France, en Allemagne et en Italie – 25 octobre 2018
Mai 68 et après.
Les suites des révoltes de Mai
en France, en Allemagne et en Italie
Journée d’études
Aix-en Provence
25 octobre 2018
Bibliothèque Universitaire des Fenouillères
167 Avenue Gaston Berger, 13100 Aix-en-Provence
Aix-Marseille Université
Equipe d’Accueil 4236 ECHANGES et Equipe d’Accueil 854 CAER
Coordination scientifique
Nicole Colin, Catherine Teissier (Aix Marseille Université, Echanges, Aix-en-Provence, France), Claudio Milanesi et Carmela Lettieri (Aix Marseille Université, CAER, Aix-en-Provence, France)
Les différentes commémorations qui ont eu lieu cette année autour de « l’événement Mai 68 », si elles n’ont pas forcément permis de mieux comprendre ce qui au juste c’est joué durant ces mois-là, ont au moins mis en évidence le caractère planétaire d’une révolte qui s’étendit, peu ou prou, des campus de San Francisco aux rues de Prague, de Stockholm, Berlin et Paris, jusqu’à Mexico et Dakar. Au niveau européen, ce sont les points communs de ce contexte en France, en Allemagne et en Italie qui retiendront notre attention, afin de tenter d’éclairer un autre phénomène commun, cette fois surtout à l’Allemagne et à l’Italie : le basculement de certains acteurs de cette génération dans la violence, et le passage de « l’esprit de Mai » aux « Années de plomb ».
Paradoxalement, les années 1970 ont marqué en Italie d’énormes progrès notamment sur le plan législatif : le nouveau droit du travail entre en vigueur en 1969 ; l’introduction du divorce est ratifiée par un référendum en 1974 ; la modification du code civil (avec la majorité à 18 ans) et du droit de la famille (qui soustrait les femmes mariées à la tutelle de leur conjoint) interviennent en 1975. Ces mesures, tout comme la loi Basaglia sur les soins psychiatriques, celle introduisant le contrôle du marché de l’immobilier ainsi que la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse en 1978, sont toutes introduites sous l’impulsion des mouvements collectifs de la jeunesse et de féministes. Malgré tout, le souvenir de cette période qui reste gravé dans la mémoire collective est celui de la violence terroriste, d’extrême-gauche, mais aussi d’extrême-droite. De fait, ce pays a connu un double cycle de protestation (maggio rampante) : en 1968-1969 d’une part et en 1977 avec le mouvement des Indiani Metropolitani d’autre part. Si l’expression Années de plomb renvoie avant tout à la violence diffuse et à l’utilisation du meurtre comme moyen d’action politique, alors, c’est à la deuxième moitié des années soixante-dix qu’elle s’applique davantage.
La question de la radicalisation des mouvements protestataires autour de 1968 en Allemagne et le débat sur l’utilisation de la violence sont des sujets qui ont déjà abondamment été discutés dans la recherche sur la période (Jesse 2007, Röhl 2007, Semler 2007). Il est toutefois incontestable qu’un lien relie situationnisme et terrorisme. C’est ce que montrent les tracts distribués à l’occasion des incendies provoqués dans des grands magasins de Francfort-sur-le-Main par Gudrun Ensslin et Andreas Baader pour « protester contre l’indifférence de la population envers la guerre du Vietnam » (avril 1968). Emprisonné à la suite de ces premières attaques, Andreas Baader est libéré par un petit groupe dont fait partie la journaliste Ulrike Meinhof le 8 mai 1970. Passant alors dans la clandestinité, ils créent la RAF avec Gudrun Ensslin. C’est le début de trente années de violence terroriste en Allemagne de l’Ouest, justifiée par la RAF sous le terme de « guérilla urbaine » destinée à « démasquer le caractère fasciste de l’Etat ».
Quarante ans après les événements qui ont eu lieu en Allemagne et en Italie dans les années soixante-dix, la production scientifique, mais aussi artistique, autour et à propos de ce qui s’est passé pendant cette période, est d’ores et déjà conséquente. L’utilisation de l’image par les protagonistes a fait l’objet de nombreuses études, notamment en Allemagne (Sachse, 2008 ; Hamers, 2009 ; Bronner/Schott, 2012). Mais la production d’images, leur manipulation et leur interprétation n’ont pas seulement été le fait des terroristes ou de l’Etat. Plus tard, le discours sur les événements, qu’il soit mémoriel ou fictionnel, s’est également (mais non exclusivement) incarné dans l’image : photographies, films, dessins, graffiti, etc. La bande dessinée ou le roman graphique, où texte et image se nourrissent et s’interpénètrent, représente pour la période considérée un moyen particulier d’accéder à la connaissance de ces événements ainsi qu’à la réflexion sur l’émergence de la violence dans des contextes démocratiques.
Cette journée d’étude se propose d’analyser le contexte européen d’émergence d’une contestation qui s’est incarnée dans des mouvements de protestation divers, et de proposer différentes pistes permettant (peut-être) de comprendre le basculement de certains dans la violence. Les débats aborderont également le rôle de l’image, notamment comme vecteur de la mémoire et support de la connaissance, à travers les réactions des intervenants et du public à l’exposition montrée en parallèle dans les locaux de la BU des Fenouillères.
L’exposition « De Plomb et de Sang » a été réalisée par deux unités de recherche d’Aix Marseille Université (CAER et ECHANGES) et 2H60 édition, avec la collaboration de l’Université de Naples L’Orientale. Elle présente le projet de création d’une bande dessinée multimodale dédiée aux Années de plomb en Italie et en Allemagne, ainsi que les planches de BD et affiches réalisées par des élèves de l’École Bellecour de Lyon, l’École d’Arts graphiques Axe Sud de Marseille et la Scuola Italiana di Comix de Naples dans le cadre du concours international « L’art de changer le plomb en or ».
Organisation : Carmela Lettieri, Sophie Saffi, Catherine Teissier (AMU), Alberto Manco (Naples L’Orientale), Martine Sousse (2H60).
Programme
Jeudi 25 octobre 2018
BU des Fenouillères – 167 Avenue Gaston Berger, 13100 Aix-en-Provence
9h00 Accueil
9h30 Introduction : Claudio Milanesi (Aix Marseille Université, CAER, Aix-en-Provence, France) – Catherine Teissier (Aix Marseille Université, Echanges, Aix-en-Provence, France)
10h-12h20 Première table ronde : Mai 68 et les années de plomb dans le contexte européen. Modération : Florence Bancaud
10h-10h20 Nicole Colin (Aix Marseille Université, Echanges, Aix-en-Provence, France): Mai 68 et le basculement dans la violence entre la France, l’Allemagne et les Pays-Bas
10h20-10h40 Claudio Milanesi (Aix Marseille Université, CAER, Aix-en-Provence, France): Les années 70 en Italie : une décennie de progrès culturels, sociaux, politiques
10h40-11h Débat
11h-11h15 Pause
11h15-11h35 Elisa Santalena (Université Grenoble Alpes) : Violence politique post soixante-huit en Italie : la dégénérescence d’un rêve ?
11h35-11h55 Catherine Teissier (Aix Marseille Université, Echanges, Aix-en-Provence, France): Et les femmes dans tout ça ? La figure des « Amazones de la terreur » dans la littérature
12h-12h20 Débat
12h30-14h Pause déjeuner
14h-14h30 Visite de l’exposition – réactions
14h30-17h Deuxième Table ronde : Regards de témoins – regards d’historiens. Modération : Nicole Colin – Claudio Milanesi
14h30-15h15 Ingrid Gilcher-Holtey (Universität Bielefeld) : Une révolution de perception? Le mouvement de 68 en France et en Allemagne
15h15-16h Carmela Lettieri (Aix Marseille Université, CAER, Aix-en-Provence, France): Iconographie et iconisation des Années de plomb
16h-16h15 Pause
16h15-17h Bazon Brock : Die 68er – die erfolgreichste Generation aller Zeiten/ Les « soixante-huitards » : une génération dorée (en allemand, traduction consécutive assurée)
17h Débat
17h30 Clôture de la journée